Sensibiliser le client aux enjeux d’une caisse correctement traitée
L’objectif est de présenter les enjeux de la caisse pour les cafés et restaurants, les différentes réglementations applicables et sa place dans les missions de l’expert-comptable. Il met en lumière la nécessaire sécurisation du processus. Un temps important est consacré à cette phase. Pour la bonne définition et application des règles, il est nécessaire d’étudier les différents risques liés à la caisse. Concernant les cafés et restaurants déjà clients du cabinet. une première réunion collective peut être organisée sous la forme d’un petit-déjeuner d’information. Elle est ensuite suivie d’entretiens personnalisés pour définir les nouvelles règles de fonctionnement.
Plusieurs ingrédients doivent être réunis pour la réussite de la réunion :
- Elle est réalisée dans de bonnes conditions matérielles ;
- Elle est interactive pour favoriser l’échange et la compréhension et ne pas consister en un cours magistral ;
- Elle est illustrée par des retours d’expérience et anecdotes auxquels le client peut s’identifier .
Au cours de cette réunion, deux risques principaux relatifs à la caisse sont abordés : la fraude et le risque de rejet de comptabilité. La fraude commise par le personnel prend le plus souvent la forme de détournements de recettes ou de stocks. Les faibles montants ou quantités détournés rendent la fraude très difficilement détectable mais potentiellement importante si elle se répète sur une longue période.
De plus, il est très complexe de prouver la totalité des sommes ou matières volées et donc d’obtenir réparation du préjudice intégral. Dans les petites structures, la dimension humaine est également importante puisque le fraudeur a souvent la pleine confiance du chef d’entreprise. Les questionnaires réalisés pour le mémoire permettent de constater la fréquence importante de la fraude.
Il convient de s’interroger sur l’origine de la fraude pour mieux la comprendre. Selon KASSEM et HIGSON, la fraude s’explique par la réunion de 4 facteurs :
- Motivation : il s’agit de la raison qui pousse le fraudeur à passer à l’acte (exemples : dettes personnelles, addiction, envie d’acquérir un bien) ;
- Opportunité : elle apparait lorsque le fraudeur décèle des faiblesses dans le contrôle interne ;
- Intégrité : les personnes peuvent être classées en trois catégories : les non-fraudeurs absolus, les fraudeurs absolus et les fraudeurs possibles. Pour ces derniers, une justification morale est nécessaire au passage à l’acte (exemple : le sentiment de ne pas être payé à sa juste valeur) ;
- Capacité du fraudeur à exploiter les failles du contrôle interne.
Le chef d’entreprise peut principalement agir sur le facteur d’opportunité en organisant un système de contrôle interne performant. De plus, le maintien d’une bonne qualité de vie au travail permet d’éviter le passage à l’acte d’une partie des « Fraudeurs possibles ».
La fraude n’est pas seulement commise par le personnel, elle l’est également par le chef d’entreprise. En effet, le secteur étudié se prête à la fraude fiscale par l’importance des recettes en espèces. Il s’agit d’une pratique courante dans les cafés et restaurants afin d’éluder impôts et cotisations. La réunion de sensibilisation est l’occasion de rappeler au client les conséquences pénales et fiscales possibles. Ainsi, le deuxième risque présenté au client est le risque de rejet de comptabilité.
Le rejet de comptabilité peut évidemment être causé par la fraude du contribuable mais également du fait du non-respect de l’importante réglementation évoquée dans le premier chapitre ou encore de la fraude non détectée du personnel. Or, les conséquences d’un rejet de comptabilité peuvent être très importantes, il est donc nécessaire d’en préciser les enjeux.
Aprés avoir expliqué succinctement la notion de rejet de comptabilité et la procédure de vérification, les différents motifs de rejet sont énumérés. Certains de ces motifs amènent un débat important car ils sont ignorés de la plupart des professionnels du secteur. La majorité des cafetiers et restaurateurs indique que leur caisse contient des articles non détaillés et qu’ils n’effectuent pas d’archivage sécurisé des données de caisse.
Cette étape de la présentation permet également d’attirer l’attention du client sur le matériel qu’il utilise ou envisage d’utiliser. En effet, il est obligatoire, depuis le 1er janvier 2018, d’utiliser une caisse certifiée ou attestée répondant aux conditions d’inaltérabilité, de sécurisation, de conservation et d’archivage des données. Or, la nuance est importante entre ces deux notions. La certification est délivrée par les organismes LNE et INFOCERT après un audit, tandis que l’attestation est un document par lequel l’éditeur de caisse auto-atteste que son système est conforme au référentiel.
Écueil à éviter : certains éditeurs n’hésitent pas à s’autoattester malgré le non-respect de certains critères, notamment l’inaltérabilité et l’archivage des données, Cela entraine deux risques : le logiciel utilisé n’est pas conforme et le risque de contrôle augmente. En effet, l’administration fiscale, qui se rend compte qu’un éditeur était autoattesté à tort, effectue des contrôles sur les clients de l’éditeur. Il convient, donc, de privilégier l’utilisation de caisses certifiées.
Les modalités de reconstitution des recettes sont ensuite évoquées en débutant par les méthodes utilisées par les vérificateurs. Elles aboutissent généralement à des recettes bien plus importantes que celles déclarées. C’est alors au contribuable de prouver que la reconstitution n’est pas en accord avec la réalité, tout en sachant qu’il ne peut pas s’appuyer sur la comptabilité pour cela.
Enfin, les conséquences financières sont listées :
Les impositions telles que la TVA, l’IS et la CVAE, sont recalculées à partir de la comptabilité reconstituée par le vérificateur ;
Les intérêts de retard sont appliqués sur ces sommes en vertu de l’article 1727 du CGl ;
L’article 1729 du CGI prévoit également l’application d’une majoration de 40% en cas de manquement délibéré ou de 80% en cas de manœuvres frauduleuses. En cas d’opposition au contrôle, la majoration est de 100%.
L’écart, également appelé « écart en base » entre recettes reconstituées et recettes déclarées est considéré comme une distribution occulte. La procédure issue de l’article 117 du CGI entraine une demande à l’entreprise d’indiquer les bénéficiaires de ces sommes. En cas de désignation, les bénéficiaires sont imposés personnellement sur ces sommes. Dans le cas contraire, une amende de 100% de la distribution occulte est appliquée à l’entreprise vérifiée avec solidarité de paiement pour les dirigeants et dirigeants de fait ;
L’éventuelle transmission au parquet qui peut alors poursuivre pénalement le dirigeant si les droits rappelés sont supérieurs à 100 000 € et assortis de majorations pour manquement délibéré ce qui est très fréquemment le cas.
Tout au long des échanges, l’expert-comptable s’adapte à la personnalité du client pour le convaincre d’adopter la démarche. Pour les clients « diligents », la seule évocation des conséquences financières doit permettre de les convaincre de traiter correctement la caisse. Pour d’autres, moins diligents ou ayant pris de mauvaises habitudes, l’expert-comptable peut, par exemple, insister sur le caractère obligatoire de suivre les règles de fonctionnement, sous peine de ne pas poursuivre la mission.
Définir les règles de fonctionnement personnalisées permettant la sécurisation du processus
En réponse aux différents risques identifiés, des règles de fonctionnement, s’adaptant aux clients, sont définies pour limiter les risques liés à la caisse. L’expert-comptable et le collaborateur font également preuve d’adaptation vis-à vis des clients. Pour ceux dont il s’agit de la première affaire, il est plus facile de faire adopter ces régies. Au contraire il est plus difficile de changer les habitudes de ceux ayant de nombreuses années d’expérience, notamment s’ils sont déjà clients du cabinet. L’expert-comptable insiste alors sur les risques et rappelle au client qu’il est là pour l’aider et pas pour le surveiller. Un traitement optimisé permet également d’avoir plus de temps pour mieux accompagner le client
Ces règles de fonctionnement tiennent compte des spécificités de l’activité du client et de son organisation. La réalisation de la réunion dans l’établissement permet de mieux visualiser les contraintes et l’organisation. Les régies de fonctionnement sont également déterminées à partir des risques présentés précédemment. Des préconisations sont formulées pour les différentes phases identifiées :
- Paramétrage de la caisse ;
- Saisie des données dans la caisse ;
- Gestion des fonds ;
- Transmission des informations au cabinet ;
- Anticipation du contrôle.
À propos du paramétrage de la caisse, une attention particulière est accordée à la création des articles et menus. Ils doivent être suffisamment détaillés et le bon taux de TVA doit leur être appliqué. Les menus comportant des offerts doivent mentionner ces gratuités.
Une vérification de la distinction de TVA pour les articles vendus à emporter ou sur place est également effectuée. Les différents modes de règlement sont paramétrés ainsi que les réductions lors des « happy hours ». Concernant les produits commandés via des plateformes en ligne, l’intégration dans le système de caisse, de l’application concernée est envisagée pour limiter les écarts et erreurs de saisie. Certains éditeurs de caisse ont développé celle fonctionnalité. Lors de l’étude du paramétrage, le client se fait communiquer la procédure d’archivage sécurisé par son fournisseur.
Concernant les données saisies dans la caisse, il est important de taper en caisse les offerts, les consommations du personnel et de justifier les opérations annulées ou saisies en mode« école/test ». Lorsque l’établissement consent des ardoises » aux clients, une procédure permettant de suivre les règlements, notamment par virement, est mise en place.
Si le matériel le permet, les fonctionnalités suivantes peuvent être activées : identification du personnel par une clé, liaison entre la caisse et le terminal de paiement électronique, ouverture du tiroir-caisse uniquement lorsque le caissier choisit le mode de règlement espèces. Néanmoins, les entretiens réalisés avec des professionnels indiquent qu’une très forte affluence n’est pas compatible avec la mise en place de ces fonctionnalités.
Pour la gestion des fonds, des procédures permettent de s’assurer que les recettes sont bien encaissées par l’établissement. Pour cela, un fonds de caisse constant est mis en place. Les recettes en espèces, chèques et autres titres de paiement sont remises en banque selon une périodicité définie à l’avance. Elle varie en fonction des montants encaissés par l’établissement et des particularités de l’entreprise.
Cette procédure permet de vérifier, en comptabilité, la concordance entre recettes et encaissements. Les éventuels écarts sont ensuite expliqués. Afin de simplifier la gestion de la caisse et de lutter contre la fraude, les sommes disponibles en caisse ne sont pas utilisées pour régler des achats. En cas d’établissements multiples ou attenants, des procédures sont mises en place pour éviter le mélange des recettes.
La transmission des données vers le cabinet est, si possible, automatisée. De nombreux logiciels comptables et de caisse permettent d’automatiser cette phase. Si cette automatisation n’est pas possible, l’extraction d’un fichier de caisse est privilégiée. À défaut, un logiciel de ressaisie des tickets Z journaliers peut être utilisé. Dans tous les cas, le ticket Z mensuel issu de la caisse est transmis au cabinet pour contrôle. La transmission de ces données, si elle n’est pas automatisée, est effectuée le plus tôt possible dans le mois pour permettre au cabinet de détecter les écarts rapidement. Les lettres de remises des tickets restaurants et chèques vacances sont égarement communiquées.
Enfin, certaines mesures sont mises en place pour anticiper un contrôle de l’administration fiscale. L’attestation ou le certificat de la caisse et le manuel d’utilisation sont conservés à disposition dans l’établissement. Les volumes indiqués sur la carte des boissons doivent être en cohérence avec ceux réellement servis. Les carnets de commande tenus en format papier, les justificatifs des promotions ou les cartes de fidélité sont également conservés. Les notes et les factures sont générées en double exemplaire dont un conservé par l’établissement. Un livre des recettes, contenant le poids des aliments utilisés, avant cuisson, peut également être tenu y compris pour de la petite restauration. Un registre des liquides utilisés en cuisine peut aussi être mis en place, notamment lorsque les produits employés sont les mêmes que ceux proposés à la vente au consommateur.
Ces préconisations permettent de répondre aux risques identifiés tout en favorisant une bonne gestion de ce processus. Des bonnes pratiques en matière de contrôle interne sont égarement listées, sans rentrer dans le détail. Si le client est intéressé, une mission d’assistance à la mise en place de procédures de contrôle interne est proposée. À l’issue de la réunion, un compte rendu personnalisé, basé sur le support de présentation, est remis au client cantre signature. Pour que ces règles soient adoptées par son personnel, les cafetiers et restaurateurs forment et accompagnent leurs équipes. De la même façon, l’expert comptable assure la formation de ses collaborateurs et permet une bonne communication dans la réalisation des missions. C’est l’objet de la section suivante.